10-2013, tome 110, 2, p. 281-297 - B. BOULESTIN, D. HENRY-GAMBIER, J.-B. MALLYE et P. MICHEL - Modifications anthropiques sur des restes humains mésolithiques et néolithiques de la grotte d'Unikoté (Iholdy, Pyrénées-Atlantiques)

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10-2013, tome 110, 2, p. 281-297 - B. BOULESTIN, D. HENRY-GAMBIER, J.-B. MALLYE et P. MICHEL - Modifications anthropiques sur des restes humains mésolithiques et néolithiques de la grotte d'Unikoté (Iholdy, Pyrénées-Atlantiques)

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La grotte d'Unikoté est située sur la commune d'Iholdy, dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle a été découverte en 1984 et fouillée de 1993 à 2003. Commencées à l'intérieur de la cavité (Unikoté I), les recherches furent complétées, à partir de 1995, par une extension en avant de son entrée (Unikoté II) et très rapidement les deux locus livrèrent des indices de présence humaine et des restes humains. La stratigraphie d'Unikoté I, très complexe, se développe sur près de trois mètres d???épaisseur et le mobilier recueilli permet d'attribuer son occupation au Paléolithique moyen, sans plus de précision. Le remplissage d'Unikoté II peut être divisé en trois ensembles : à la base, un repaire d'hyènes avec quelques témoins d'occupation humaine, un niveau intermédiaire qui rassemble la majorité des restes humains et un ensemble supérieur qui est un mélange des deux ensembles sous-jacents. Le mobilier du niveau inférieur est attribuable au Moustérien, celui du niveau intermédiaire soit au Paléolithique supérieur soit au Mésolithique, sans qu'il soit possible de décider. Les deux locus ont également livré chacun un petit lot de restes humains. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de vestiges qui ont été extrêmement perturbés, ce qui rend impossible la reconstitution de leur mode de dépôt originel. Ils sont également privés de contexte culturel, de sorte que leur datation repose uniquement sur les résultats d'analyses radiocarbone. Les restes d'Unikoté I datent du début du Néolithique moyen II; ceux d'Unikoté II d'une phase ancienne du Second Mésolithique. Pour le premier locus, l'assemblage humain comprend quinze pièces qui définissent un nombre minimum de deux individus, un adulte féminin et un enfant d'une dizaine d'années. Pour le second, les restes sont au nombre de quatre-vingt-cinq. Onze appartiennent vraisemblablement tous au même sujet adulte d'âge et de sexe non déterminables. Les soixante-quatorze autres, immatures, se rapportent très vraisemblablement à deux individus : bien que le NMI de fréquence qui leur correspond ne soit que de un, leurs stades de maturation sont sûrement incompatibles. Un bloc craniofacial appartiendrait ainsi à un adolescent d'une quinzaine d'années, tandis que les restes infracrâniens se rapporteraient à un enfant âgé de six à onze ans. Le principal intérêt présenté par ces vestiges humains est qu'ils sont porteurs de modifications anthropiques. Dans l'assemblage néolithique d'Unikoté I, il existe plusieurs traces de découpe sur le bloc craniofacial, qui évoquent un écorchement, et un fragment de scapula présente également une strie de coupe. Le bloc craniofacial immature mésolithique d'Unikoté II porte pour sa part une perforation dont les caractéristiques indiquent sans équivoque un traumatiime peri mortem, lui-même évocateur de mort violente. Par ailleurs, plusieurs traces de coupe et de raclage sont visibles sur cet élément. La petite taille des assemblages et leur manque de contexte rendent difficiles l'interprétation de ces traces et celle de la nature des dépôts humains, et plusieurs hypothèses sont envisageables sans que l'on puisse en privilégier une en particulier. Pour Unikoté I, l'écorchement de la tête auquel renvoient les caractéristiques de la découpe permettent d'évoquer un possible cannibalisme, totalement indémontrable, mais ne pouvant être écarté, une pratique funéraire sans cannibalisme avec découpe du cadavre, ou un traitement plus spécifique de la tête, de type préparation d'un trophée ou d'une relique. Pour Unikoté II, les traces sur le bloc craniofacial sont plus en accord avec une activité de décarnisation, c'est-à-dire à un nettoyage de l'os, et le traumatisme permet de restituer un contexte général de violence armée. Mais le cadre et le niveau de mobilisation de cette violence restent indéterminables. Cela d'autant plus que, pour l???instant, tous les cas mésolithiques avérés de traumatisme crânien peri mortem renvoient à la pratique particulière des dépôts de têtes d'Alsace et du Sud-Ouest de l'Allemagne, ce qui ne semble pas être le cas ici, et que la découpe du corps à cette période, loin d???être rare, répond manifestement à des motivations diverses. Bien que d'interprétation difficile et limitée, les observations réalisées sur les restes humains de la grotte d'Unikoté d'une part apportent de nouveaux témoignages sur les traitements des morts avec découpe des corps au Mésolithique et au Néolithique, sujet qui reste encore trop imparfaitement documenté pour pouvoir faire l'objet de discussions approfondies, lesquelles ne pourront justement progresser qu'avec la multiplication des cas. D'autre part, elles constituent également une nouvelle illustration de la fréquence avec laquelle on rencontre des modifications osseuses anthropiques et de l'intérêt qu'il y a à les rechercher systématiquement dans les assemblages humains, toutes époques confondues.

 

The site of Unikoté, located in Iholdy in the French Pyrénées-Atlantiques, was discovered in 1984 and excavated between 1993 and 2003. The excavations were first carried out inside the cave (Unikoté I), then extended from 1995 on in front of the entrance (Unikoté II). Both loci soon yielded traces of human occupation as well as human remains. Unikoté I has a 3-metre thick very complex stratigraphy. The artefacts found have allowed the occupation to be dated to the Middle Palaeolithic, without any greater precision. The fill of Unikoté I can be divided into three units: at the base is a hyena den with a few traces of human occupation; the intermediate level has yielded most of the human remains and the upper level is a mix of both underlying levels. The artefacts from the lower level can be attributed to the Mousterian period; those coming from the intermediate level could date from either the Upper Palaeolithic or the Mesolithic, any precise attribution to one period or the other being impossible. Both loci have also yielded a small assemblage of human remains. In both cases the remains are extremely disturbed, which makes it impossible to reconstitute the original mode of deposit. They also lack any cultural context, so that their dating can only come from radiocarbon analyses. The Unikoté I remains date from the beginning of the Middle Neolithic II. The Unikoté II remains belong to an early phase of the Second Mesolithic. The human assemblage from the first locus is composed of 15 fragments corresponding to a minimum number of 2 individuals, a female adult and a child aged about 10. Eighty-five remains come from the second locus, among which eleven certainly belong to the same adult whose sex and age cannot be determined. The 74 remaining immature bones most probably belong to two individuals: while the corresponding frequency MNI is only 1, their stages of development are incompatible. A cranium could thus belong to a 15-year old juvenile whereas the other post-cranial remains probably belong to a child aged between 6 and 11. The main interest of these human remains lies in the fact that they all display anthropogenic bone modifications. In the Unikoté I Neolithic assemblage the cranium shows several cutmarks that could attest to skinning practices, and a cutmark is also visible on a fragment of scapula. The Mesolithic immature cranium from Unikoté II presents a perforation with characteristics unequivocally suggesting a perimortem trauma indicating a violent death. Moreover, several cutting and scraping marks can be observed on this fragment. The small size of the assemblages and their lack of context make the interpretation of these marks and the signification of these human deposits difficult to establish; while several hypotheses can be raised, none can be favoured. For Unikoté I, the specificities of the cutmarks suggest head-skinning and thus allow several possibilities to be raised: cannibalism, which cannot be proved but cannot be set aside either; a funerary practice in which the body could have been cut up but not eaten; or some specific treatment of the head, for instance its preparation to become a trophy or a relic. In Unikoté II the marks on the cranium seem to correspond more to defleshing activity, i.e. a cleaning of the bone, and the trauma matches an overall context of armed violence. It is however impossible to determine either the environment or the mobilization level of this violence, all the more so as all attested perimortem cranial traumata for the Mesolithic period are so far linked to the specific practice of head deposit known in Alsace and Southwestern Germany, which does not seem to be the case here, and as the practice of cutting up corpses is far from being rare for this period, although certainly diversely motivated. The observations made on the human remains from Unikoté are difficult and limited, but they can nevertheless provide new information on the treatment of the dead and related body-cutting practices during the Mesolithic and Neolithic periods. Data are still lacking, so this topic cannot be discussed in detail now, until attested cases become more numerous. On the other hand, these observations prove once again that anthropogenic bone modifications are frequently observed and must be systematically sought in all human assemblages, whatever the period.