13-2013, tome 110, 3, p. 421-446 - K. MEUNIER -  La céramique de Juvigny « les Grands Traquiers » (Marne) et le Rubané récent champenois

Cliquez sur la photo pour zoomer

Fichier(s) attaché(s)

 

13-2013, tome 110, 3, p. 421-446 - K. MEUNIER - La céramique de Juvigny « les Grands Traquiers » (Marne) et le Rubané récent champenois

Télécharger le document

 

L'habitat de Juvigny « les Grands Traquiers » (Marne), situé à quelques kilomètres de Châlons-en-Champagne, représente encore aujourd'hui, par son corpus céramique conséquent, le site de référence pour le Rubané récent champenois. Il occupe une position stratégique pour la compréhension de la néolithisation rubanée du Bassin parisien, en assurant un lien entre le Rubané récent du Bassin parisien (RRBP) et le Rubané récent de haute Alsace en particulier. Rappelons que le site de Juvigny, fouillé par É. Tappret en 1985, n'a toujours pas fait l'objet d'une publication exhaustive. Le matériel céramique a été partiellement publié par É. Tappret et A. Villes en 1996 dans le cadre d'une synthèse régionale sur le Néolithique ancien de la Champagne, mais aucune donnée quantitative n'y figurait. Depuis, le corpus de céramique fine décorée sert de référence. Il a fait l'objet de décomptes concernant des aspects précis du décor par P. Lefranc, permettant l'élaboration de plusieurs hypothèses concernant la synchronisation avec le Rubané récent de haute Alsace et le Rubané de Lorraine et la relation chronologique avec le RRBP. Néanmoins, si aujourd'hui tout le monde s'accorde sur une position chronologique plus ancienne de Juvigny sur le début du RRBP, les questions d'une évolution du Rubané récent champenois et des liens précis entre les deux faciès restent ouvertes. Par ailleurs, le corpus céramique de Juvigny a jusqu'à présent été considéré comme un tout : la question de phases d'habitat n'a donc pas été développée. Ainsi, l'objectif de cet article est de publier l'intégralité de la céramique de Juvigny, en proposant d'apporter des éléments pour tenter de distinguer des phases au sein de l'habitat. Il est difficile de reconnaitre des unités d'habitation de façon sûre et, rapportés à chaque fosse, les effectifs de céramique décorée sont faibles. Néanmoins, on peut mettre en évidence certaines variations qui portent d'une part sur les outils utilisés pour les impressions au poinçon et au peigne, et d'autre part sur les motifs et les thèmes. Au final, une série de différences, qui peuvent être interprétées sous un angle chronologique, caractérise deux groupes de fosses. S'opposent ainsi le secteur est, représenté par les fosses G-J-J'-H-I et la fosse M, et le secteur ouest, représenté par les fosses A-B et C-D. Le secteur est se caractérise par une plus forte utilisation du poinçon par rapport au peigne à deux dents et également par la rareté de motifs du bord combinant lignes incisées et bandes imprimées. Il représenterait ainsi une première phase, qui peut correspondre à l'étape A du Rubané récent de haute Alsace. Les fosses du secteur ouest appartiendraient à la seconde phase, avec une plus forte utilisation du peigne que du poinçon et une diversité de motifs du bord combinant incisions et rangées d'impressions, suivant des configurations variées, parfois à tendance couvrante. Ces caractères avaient déjà été mis en parallèle avec le Rubané récent B de haute Alsace. En parallèle, ce secteur se distingue par la présence de thèmes principaux minoritaires qui se développeront dans le RRBP : les bandes verticales imprimées au peigne, les chevrons composés de rubans hachurés, et les rares cas de chevrons tronqués et soudés au motif du bord. Cette proposition de phasage permettra d'avoir quelques clés en main dans le débat sur la genèse du RRBP, notamment pour discerner ce qui peut relever du chronologique et du régional. Les résultats devront être mis en perspective avec les données céramiques issues des fouilles relativement récentes des sites de Buchères et Bréviandes dans la plaine de Troyes. En effet, ces sites permettent d'élargir vers le sud l'aire d'expansion du Rubané moyen-récent à forte influence haute-alsacienne et d'ouvrir ainsi un potentiel pour comprendre la variabilité des styles céramiques qui entrent en jeu dans la formation du RRBP, en particulier dans les clivages apparaissant entre le Nord et le Sud du Bassin parisien.

 

 

The settlement at Juvigny'les Grands Traquiers'(Marne), located a few kilometres from Châlons-en-Champagne, produced a large assemblage of pottery and is still the main reference for the Champagne late Bandkeramik. It is a key site for understanding the Bandkeramik neolithisation of the Paris basin, as it provides a link between the Rubané récent du Bassin parisien (RRBP) and the late Bandkeramik of upper Alsace in particular. Excavated by É. Tappret in 1985, the site of Juvigny has remained largely unpublished. Some of the pottery finds were published by É. Tappret and A. Villes in 1996, as part of a regional synthesis on the early Neolithic in the Champagne region, but no quantitative data were provided. Since then, the decorated fine pottery has become a major reference. Counts of some decoration attributes have been made by P. Lefranc, leading to the elaboration of a number of hypotheses on synchronisation with the upper Alsace late Bandkeramik and the Lorraine Bandkeramik, as well as on the chronological relationship with the RRBP. Nevertheless, while it is generally accepted today that Juvigny is earlier than the beginning of the RRBP, the questions of the chronological development of the Champagne late Bandkeramik and its precise links with the RRBP remain open. Furthermore, the pottery from Juvigny has until now been considered as a whole and the question of settlement phases has never been investigated. So the aim of this article is to publish all the pottery from the site and to discuss evidence that can be used to distinguish settlement phases. The pottery assemblage studied and drawn amounts to 181 individuals, including 172 decorated vessels. The latter belong to several categories of pottery: 139 individuals in fine ware with impressed/incised decoration, 20 individuals in Limburg pottery, and 12 coarse ware vessels with modelled decoration. Undecorated pottery is quite rare, with only 9 vessels of identifiable shape: 8 in fine ware and 1 in coarse ware. As far as settlement organisation is concerned, it is difficult to identify house units with certainty and the number of vessels per pit is low. Nevertheless, some variation in pottery decoration can be observed, involving not only the tools used for making point or comb impressions, but also motifs and themes. Thus a number of differences, which can be interpreted in chronological terms, characterise two groups of pits. A contrast can be seen between the east sector, with pits G-J-J'-H-I and pit M, and the west sector, represented by pits A-B and C-D. The east sector is characterised by a more frequent use of points, relative to two-toothed combs, and also by the rarity of rim motifs combining incised lines and impressed bands. This sector possibly represents a first phase, corresponding to stage A of the late Bandkeramik of upper Alsace. The pits in the west sector can be attributed to a second phase, with combs used more often than points and a wide range of rim motifs combining incisions and impressions, in varying and occasionally extensive patterns. Parallels have already been made on the basis of these traits with stage B of the late Bandkeramik of upper Alsace (Lefranc, 2007). At the same time, the west sector is distinguished by the presence of a small number of main decoration themes which indicate other influences, in particular comb-impressed vertical bands and chevrons composed of hatched bands which would appear to originate from the middle Moselle Bandkeramik, together with some rare examples of truncated chevrons fixed to the rim motif, a decoration mainly occurring in the Hegau, the Neckar and the middle Moselle. These three decoration types become more frequent in the RRBP. The phasing proposed here for Juvigny adds some new elements to the debate on the formation of the RRBP, notably by helping to distinguish chronological from regional factors. The composition of the Juvigny assemblage has implications for chronological traits in the RRBP, in particular the hatched band motifs which appear very early in the Seine basin Bandkeramik sequence and which had previously been seen as late traits in the RRBP. Furthermore, the results of the Juvigny phasing can be placed in the broader context of the pottery from the recently excavated sites of Buchères and Bréviandes in the Troyes plain. These sites extend southwards the distribution of a middle-late Bandkeramik with marked upper Alsace influence. They thus provide new evidence for understanding the variability of pottery styles contributing to the formation of the RRBP, particularly the divisions that appear between the north and south of the Parisbasin (Meunier, this volume).