25-2013, tome 110, 4, p. 719-743 - A. AUJALEU, G. GRANIER et T. LACHENAL - Un ensemble funéraire du début du Bronze final à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : les sépultures secondaires à crémation du site du Conservatoire

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25-2013, tome 110, 4, p. 719-743 - A. AUJALEU, G. GRANIER et T. LACHENAL - Un ensemble funéraire du début du Bronze final à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) : les sépultures secondaires à crémation du site du Conservatoire

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Une fouille d'archéologie préventive réalisée dans le cadre du programme de requalification des quartiers sud de la ville d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), sur une parcelle destinée à accueillir le futur conservatoire de musique et de danse, a mis au jour un ensemble de tombes à crémations secondaires attribuables au début de l'âge du Bronze final. Cette découverte illustre une pratique peu documentée dans la moitié sud de la France à cette époque. Les fosses sépulcrales, de petites dimensions, abritent exclusivement l'urne cinéraire, laquelle contient les restes osseux d'un seul individu, sans aucun résidu du bûcher crématoire, ainsi que parfois de petits fragments d'os de faune. En ce qui concerne le mode de fermeture des tombes, il faut restituer un système aménagé avec un petit tumulus de galets reposant sur la couverture de l'ossuaire lui-même, une lauze calcaire dans un cas et des protections en matériau périssable pour les trois autres. La présence de ces petits tertres recouvrant la fosse sépulcrale peut, par ailleurs, être interprétée comme un dispositif de signalisation. Il faut enfin mentionner la présence d'une jarre écrasée en place, à proximité de l'une des tombes, interprétable comme un dépôt funéraire. L'étude anthropologique indique une collecte partielle des restes osseux sur la structure primaire de crémation. On observe cependant une grande variabilité entre les différentes tombes quant à la masse prélevée et quant à la sélection des segments anatomiques. La typologie des urnes les place dans une phase avancée du Bronze final I, au xiiie siècle avant J.-C., ce que confirment en partie des datations 14C effectuées sur les carbonates présents dans les os brûlés. D'autre part, l'étude des gestes funéraires concourant à la structuration des tombes montre une parenté certaine avec les nécropoles contemporaines, datées du Bronze récent II, du Nord-Ouest de l'Italie et en particulier avec le cimetière de Canegrate en Lombardie. Ce nouvel ensemble funéraire vient donc confirmer une origine transalpine de la pratique de la crémation dans le Sud-Est de la France au début du Bronze final. Il en constitue par ailleurs le témoin le plus occidental. Contrairement aux découvertes de Provence orientale, la nécropole du Conservatoire présente toutefois la spécificité de se trouver dans une zone où l'impact des traditions céramiques d'Italie du Nord est beaucoup moins marqué dans la culture matérielle. Si la pratique funéraire identifiée est d'affinité italienne, les urnes s'inscrivent plutôt dans une tradition stylistique locale. On assiste donc à une acculturation partielle, qui illustre bien le caractère tampon de la région bas-rhodanienne durant cette période, qui se trouve aux confins des influences des cultures du Nord et du Sud des Alpes.Cette découverte invite enfin à s'interroger sur la place de la crémation au sein des pratiques funéraires des populations méridionales au début du Bronze final. En effet, les rares sépultures de ce type étaient exclusivement connues dans les régions alpines, proches de l'Italie. Si bien qu'elles avaient pu être interprétées comme des tombes de défunt au statut particulier ou comme le résultat de mobilités individuelles. On peut à présent se demander si la documentation actuelle est proche de la réalité, ou si elle ne dépend pas au contraire d'une difficulté à identifier les petits ensembles funéraires du type de celui mis au jour à Aix-en-Provence. The urban requalification of southern areas of the city of Aix-en-Provence led to an archaeological excavation on a plot where the future academy of music and dance ("Conservatoire") is to be built. It brought to light five secondary cremation graves which can be dated to the beginning of the Late Bronze Age. This discovery illustrates a specific practice not very well-known in Southern France for that period. These small graves each contained only a funerary urn in which were found the remains of a single individual, sometimes accompanied by small fragments of animal bones but without any trace of the funerary pyre. The graves are sealed by a sort of pebble tumulus which rests upon the cover of the funerary urn, made of a small limestone slab in one case and probably of some perishable material in three other cases. These small mounds could also be interpreted as visual marks for the location of the graves. A crushed pot close to one of the graves may also be considered as a funerary deposit. Anthropological studies show that the bones were partially collected from the primary cremation structure. However, great variability can be observed between the different tombs regarding the quantity of bones and the anatomical parts selected. The typology of the urns indicates that they belong to an advanced phase of the Late Bronze Age I, 13th century BC, which is confirmed by 14C dates from the carbonates remaining in the burnt bones. The study of burial behaviour regarding the structure of the tombs reveals similarities with contemporaneous cemeteries in north-western Italy dated to the Late Bronze II and, in particular, with Canegrate in Lombardy. This new funerary group thus confirms the Transalpine origin of the practice of cremation in southern France at the beginning of the Late Bronze Age and constitutes its most western example. Unlike other cemeteries discovered in eastern Provence, the "Conservatoire" cemetery is located in an area where the influence of northern Italian ceramic productions is less important. While the funerary practices are related to Italian practices the urns themselves belong to the local style. It is the sign of a partial acculturation, testifying that the lower Rhone valley at that time was a buffer zone between traditions found to the North and the South of the Alps. Finally, this discovery invites us to question the importance of cremation in the funerary practices of southern populations at the beginning of the Late Bronze Age. Indeed, until now, the few graves belonging to this type were only known in the Alp regions, close to Italy. They were thus interpreted as linked to a specific status of the deceased or as the result of individual mobility. Now, we may wonder whether the data available reflect reality or whether they depend, on the contrary, on the difficulty of identifying small funerary groups such as the one unearthed in Aix-en-Provence.