08-2014, tome 111, 2, 2014, p. 225-254 - P. BODU, G. DUMARCAY et H.-G. NATON - Un nouveau gisement solutréen en Île-de-France, le site des Bossats à Ormesson (Seine-et-Marne)

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08-2014, tome 111, 2, 2014, p. 225-254 - P. BODU, G. DUMARCAY et H.-G. NATON - Un nouveau gisement solutréen en Île-de-France, le site des Bossats à Ormesson (Seine-et-Marne)

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Le Solutréen est un techno-complexe peu documenté en Île-de-France et le Solutréen moyen reste relativement méconnu à l'échelle de la France. A l'exception du gisement de Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne) fouillé sous la direction de Béatrice Schmider entre 1983 et 1985 et de quelques découvertes isolées et contestables de pièces foliacées, très peu d'indices relatifs à cette période ont été jusqu'à présent identifiés. Une nouvelle campagne de fouille effectuée en septembre 2012 dans le gisement d'Ormesson près de Nemours (Seine-et-Marne) mieux connu pour son occupation gravettienne datée et avec la présence de restes de faune, mais également une implantation moustérienne parfaitement préservée et plus récemment un niveau châtelperronien, a permis de mettre au jour des fragments de « feuilles de laurier » dans un niveau bien conservé et ainsi de relancer le débat sur l'occupation solutréenne au centre du Bassin parisien et plus généralement dans le Nord de la France. Pour le moment, ce niveau a été fouillé sur une surface réduite d'environ sept mètres carrés mais la production lithique semble caractéristique du Solutréen moyen à « feuilles de laurier » exclusives. Cinq fragments de « feuilles » constituant quatre entités après raccord correspondent vraisemblablement à des objets abandonnés après cassure lors de leur fabrication. Trois stades d'abandon ont été identifiés, de la véritable préforme à la pièce en cours de finition par retouche à la pression. Ces objets sont étroitement associés à des pierres brûlées témoignant de différents états de thermoaltération ainsi qu'à des charbons de bois dont l'unique échantillon déterminé, pour le moment, correspond à du bouleau. Il est vraisemblable que ce lieu a accueilli une aire ou une structure de combustion dont nous n'avons retrouvé en 2012, que des vestiges épars. Un alignement de gros blocs de calcite dont l'aménagement complet nous est inconnu en raison de la petite taille de la surface fouillée, cerne l'occupation solutréenne en bord est. L'origine de ces blocs est inconnue, pour l'instant, mais il est vraisemblable, étant donné leurs poids et dimensions, qu'ils ont été collectés à proximité. Ce début de structuration de l'espace demande évidemment à être mieux documenté avec l'extension prévue de la zone fouillée. Cependant, à l'est de l'occupation solutréenne, une troncature des sédiments causée par le tracé d'un talweg a sans doute contribué à amputer également le niveau archéologique, nous privant de cette information. La petite quantité de matériel recueilli ainsi que la petite taille de la surface fouillée ne permettent pas pour l???instant une évaluation précise des activités qui se sont déroulées sur place mais on peut d???ores et déjà constater, en ce qui concerne le silex, que le façonnage de « feuilles de laurier » est prépondérant alors que les opérations de débitage vouées à la production de supports sont peu nombreuses. Un nucléus et quelques éclats et éclats laminaires sont les seuls témoignages de cette activité, et ils n'ont donné lieu à aucun outil retouché. Le remontage de quelques déchets sur le nucléus permet néanmoins de confirmer le bon état de conservation du sol. L'unique datation obtenue sur charbon de bois, pour le moment, est bien insuffisante pour trancher sur l'appartenance précise de ce niveau à l'une des phases du Solutréen et le manque d'éléments de comparaison proches rend difficile cet exercice. Si l'on se fie à la seule présence de « feuilles de laurier » à Ormesson, et bien qu'elles soient fragmentaires, on optera pour un rattachement au Solutréen moyen de cet ensemble. Les comparaisons sont en effet délicates alors que peu de gisements solutréens sont connus en Île-de-France et plus généralement dans le Bassin parisien. Seul le site de Saint-Sulpice-de-Favières dans l'Essonne, à environ 60 km au nord-ouest des Bossats, permet des rapprochements stylistiques de l'industrie lithique mais l'absence de dates dans ce second site à « feuilles de laurier » dominantes, ne permet pas d'enrichir la discussion sur la phase solutréenne rencontrée à Ormesson. On optera alors pour des comparaisons avec des sites plus éloignés, la couche 2b du site des Maîtreaux dans le Centre, fouillé par Thierry Aubry ou encore la grotte Rochefort en Mayenne dont les fouilles sont actuellement dirigées par Stéphan Hinguant. L'originalité de la découverte du niveau solutréen à Ormesson renforce notre volonté d'un travail à vocation plus territoriale encore qui prend en compte le moindre des indices probants rapportables au Solutréen. C'est un programme déjà en place qui nous a permis de revisiter notamment des pièces isolées découvertes lors de fouilles plus ou moins anciennes dans la vallée du Loing proche d'Ormesson. Mais nous avons appliqué également cette démarche à des trouvailles plus éloignées, dans l'Yonne ou dans les Yvelines. Enfin, le caractère fortement spécialisé du site de Saint-Sulpice-de-Favières avec la production dominante de « feuilles de laurier » et à l'inverse la faiblesse quantitative et une certaine diversité des activités menées à Ormesson, plaident en faveur de sites à vocations différenciées qui appartenaient peut-être à un réseau commun.

 

The Solutrean and particularly the Middle Solutrean is a period that is very poorly understood in the Île-de-France region. With the exception of the site of Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne), excavated by Beatrice Schmider between 1983 and 1985, and some chance finds which may or may not be leaf-shaped points, very little material from this period has been identified until now. New excavations undertaken in September 2012 on the site of Ormesson (near Nemours, Seine-et-Marne), better known for its dated Gravettian occupation and including faunal vestiges, but also a perfectly preserved Mousterian occupation and, more recently, a Châtelperronian level, produced fragments of laurel leaf points from an extremely well-preserved context, and thus re-energised the debate about the significance of the Solutrean in the centre of the Paris Basin and more generally in northern France. At present, only a relatively small area (about 7m2) of this level has been excavated, but the lithic sequence is characteristic of the Middle Solutrean. Five fragments of laurel-leaf points, apparently broken during manufacture, represent four items, with thin flakes and spalls associated with their production. The points were abandoned at different stages of manufacture, from preforms to items in the process of being finished by pressure retouching. The finds are associated with fragments of burnt stone with various stages of thermoalteration and charcoal; the only sample so far identified was birch. The site probably included a combustion area of which we only found a few traces in 2012. A row of large calcite blocks, the complete organisation of which is unknown due to the small area excavated, closes off the Solutrean occupation on the east side. The origin of the blocks is unknown for the time being but in view of their weight and size they are probably local. This beginning of spatial structuring obviously needs to be better documented with the planned extension of the excavation. However on the eastern side of the Solutrean occupation the sediments have been cut off by a thalweg; the archaeological level has probably also been partially removed, thus depriving us of useful information in this respect. The small quantity of artefacts found and the small area excavated do not for the time being allow any precise assessment of the activities which took place on the site, but we can already observe, as far as the lithic industry is concerned, that laurel-leaf shaping predominated while knapping operations related to the production of blanks are relatively rare. A single core and a few flakes and blade flakes are the only evidence of such activity, and they resulted in no retouched tools. The refitting of some waste on the only identified core does however confirm the good state of preservation of the level. The only date obtained so far from the charcoal is insufficient to provide an exact attribution of this level to any one of the Solutrean phases, and the lack of elements of comparison makes such an exercise difficult. If we take into account the presence of laurel-leaf points at Ormesson, although they are fragmentary, the attribution would seem to be to the Middle Solutrean. Comparisons are indeed difficult since few Solutrean sites are known in the Île-de-France and more generally in the Paris Basin. Only the site of Saint-Sulpice-de-Favières (Essonne), about 60 km north-west of Les Bossats, allows stylistic comparisons of the lithic industry, but the lack of dates on this second site where laurel-leaf points predominate does not much help in discussion regarding the Solutrean phase encountered at Ormesson. We prefer comparisons with more distant sites, such as layer 2b of the site of Les Maîtreaux (Centre), excavated by Thierry Aubry, or Grotte Rochefort (Mayenne) where the excavations are at present directed by Stéphan Hinguant. The originality of the discovery of the Solutrean level at Ormesson strengthens our aspiration for research taking into account over a wider territory the smallest indices that can be attributed to the Solutrean. It is thanks to a programme already in place that we could in particular reexamine isolated items discovered during excavations carried out in the more or less distant past in the Loing valley near Ormesson. However we have also applied this approach to finds from further afield, in the Yonne or Yvelines départements. The highly specialized nature of the Saint-Sulpice-de-Favières site, with the dominant production of laurel-leaf points and, on the contrary, the small quantity of items and diversity of activities carried out at Ormesson, plead in favour of sites with different vocations, perhaps belonging to a common network.