12-2014, tome 111, 2, 2014, p. 307-323 - F. SOULA - Le paysage de la fin du Néolithique et du Chalcolithique dans le territoire de Sorgono (province de Nuoro, Sardaigne centrale)

Cliquez sur la photo pour zoomer


12-2014, tome 111, 2, 2014, p. 307-323 - F. SOULA - Le paysage de la fin du Néolithique et du Chalcolithique dans le territoire de Sorgono (province de Nuoro, Sardaigne centrale)

TÉLÉCHARGER LE DOCUMENT

 

Le territoire de Sorgono (province de Nuoro, Sardaigne centrale) est principalement connu, pour la Préhistoire, grâce au caractère exceptionnel du site à pierres dressées de Biru'e Concas ou Coa 'e Sa Mandara. Les autres vestiges archéologiques de la commune sont restés presque totalement méconnus. Les prospections pédestres effectuées ces dernières années offrent aujourd'hui la possibilité de dresser une description plus exhaustive de l'occupation préhistorique de ce territoire. Il est proposé, dans le cadre de cet article, une caractérisation environnementale du territoire associée à une synthèse des données archéologiques nouvellement acquises, plus particulièrement pour le IVe millénaire et la première moitié du IIIe millénaire avant notre ère. Ces données permettent de procéder à une première analyse contextuelle de l'occupation préhistorique du territoire centrée sur les sites à pierres dressées et fondée sur les principes de la méthode « systémico-analytique » (Soula, 2008, 2012c et à paraître c). Bien que les connaissances acquises soient encore limitées par des problèmes liés à la datation des sites, il a été possible de préciser un certain nombre d'informations et de proposer des attributions plus ou moins hypothétiques basées sur des arguments de cohérence. Les carences chronologiques les plus évidentes sont relatives aux sites à pierres dressées pour lesquels il est possible de proposer une attribution à l'Ozieri seulement sur la base de leurs contextes archéologiques les plus proches. Bien qu'il s'agisse de suppositions que seule une fouille pourrait infirmer ou confirmer, cette démarche démontre fréquemment que le modèle insulaire sarde permet de formuler de telles hypothèses. Ce territoire du centre de l'île est vraisemblablement occupé à partir du IVe millénaire, avec la culture d'Ozieri (4200/4000 à 3500 av. J.-C.). Les données manquent pour documenter une éventuelle continuité de cette occupation durant le premier Chalcolithique, avec le Sub-Ozieri (3600 à 2900 av. J.-C.). Cette carence est potentiellement tributaire de la trop récente distinction du Sub-Ozieri par rapport à l'Ozieri (Santoni, 1991; Melis, 2000, 2009 et 2011) et à la rareté des recherches dans ce territoire. Nonobstant ce possible hiatus des connaissances, la continuité est discernable avec l'occupation chalcolithique Filigosa (3000 à 2500 av. J.-C.) identifiée sur de rares gisements et associée à des statues-menhirs. L'Abealzu (2700 à 2400 av. J.-C.) n'est quant à lui pas connu à ce jour sur ce territoire. Une autre culture chalcolithique, contemporaine du Filigosa et de l'Abealzu est identifiée grâce à de rares indices à Sorgono : les rapports entre le Monte Claro (3000/2900 à 2300 av. J.-C.), faciès culturel exogène, et le Filigosa, faciès culturel autochtone, restent à définir à Sorgono. Il s'agit d'une question d'importance majeure à l'échelle de l'île car ces deux cultures semblent à la fois cohabiter et s'exclure mutuellement dans certaines régions de la Sardaigne (Soula 2012c et à paraître b). C'est tout particulièrement à Sorgono que résident des clés de compréhension quant à cette bipartition culturelle de l'île durant le IIIe millénaire avant notre ère. L'analyse proposée s'organise en deux phases principales. Dans un premier temps, le territoire analysé est présenté d???un point de vue géographique et géologique. Dans, un second temps, la synthèse de la carte de répartition des sites est proposée pour les IVe et IIIe millénaires avant notre ère afin de procéder à des analyses géostatistiques principalement basées sur les sites à pierres dressées. Au sein de la limite territoriale identifiée pour le système de Sorgono, l'on distingue la présence de sous-systèmes complets d'occupation, c'est-à-dire constitués des trois aspects principaux d'une communauté humaine préhistorique sarde (habitat, sépultures et pierres dressées). La présence de sous-systèmes bipartites et d'autres sous-systèmes composés d'un seul de ces aspects peut être interprétée de deux manières : soit il nous manque un certain nombre de données sur ce territoire, soit il s'agit de sous-systèmes plus secondaires ou relevant de fonctions particulières. Cette analyse structurelle et fonctionnelle du système de Sorgono montre que les modalités d'occupation du territoire obéissent principalement aux contraintes liées à la topographique et aux différents écosystèmes. Les espaces préférentiellement colonisées par les groupes Ozieri à Sorgono sont les plus « hospitaliers » et les plus ouverts, disposant de ressources naturelles variées. Cela pourrait signifier que les espaces les moins « hospitaliers », occupés de manière plus distendue, sont en relation avec le contrôle du territoire ou encore avec la pratique d'activités particulières. Il est également envisageable que ces sous-systèmes « secondaires » constituent une extension du centre névralgique de l'occupation à un moment de forte pression territoriale. La présence de plus rares tombes hypogéiques dans ces sous-systèmes, fréquemment non achevées, tend à confirmer leur développement plus récent par rapport au centre du système territorial de Sorgono.

 

The district of Sorgono (Nuoro province, Central Sardinia) is mainly known, for prehistory, thanks to the exceptional character of the standing stone monument of Birue Concas or Coa ???e sa Mandara. The other archaeological remains in this territory had remained almost completely unknown. Archaeological surveys carried out recently are now offering an opportunity to develop a more complete description of the prehistoric occupation of this territory. This paper proposes an environmental characterization of the area associated with a synthesis of the newly acquired archaeological data, especially for the fourth and the first half of the third millennium BC. These data allow an initial contextual analysis of the prehistoric occupation of this territory to be undertaken, centred on the standing stone monuments and based on the principles of the ???systemic-analytical??? method (Soula, 2008, 2012c, forthcoming c). Although knowledge is still limited by problems related to the dating of the sites, it has been possible to clarify a certain amount of information and propose some potential chrono-cultural dates based on consistency. The most important chronological deficiencies are related to the standing stone monuments for which it is possible to propose an attribution to the Ozieri culture only on the basis of their closest archaeological contexts. Although this is merely an assumption that can only be confirmed or invalidated by an excavation, this approach frequently demonstrates that the Sardinian insular model allows such hypotheses to be made. This central area of the island was probably inhabited from the fourth millennium, with the Ozieri Culture (4200/4000-3500 BC). Data permitting the documentation of a possible continuation of this occupation during the first Chalcolithic, with the Sub-Ozieri (3600-2900 BC), is lacking. This deficiency is probably due to the too recent distinction of the Sub-Ozieri compared to the Ozieri (Santoni, 1991; Melis, 2000, 2009, 2011) and to the scarcity of research in this area. Notwithstanding this possible gap in our knowledge, continuity is discernible with the Chalcolithic Filigosa occupation (3000-2500 BC), identified through rare archaeological deposits and associated with some statue-menhirs. The Abealzu (2700-2400 BC) has not, for its part, been identified so far in this area. Another Chalcolithic culture, contemporary with the Filigosa and Abealzu, is known through a few indications at Sorgono: the relationship between the Monte Claro (3000/2900-2300 BC), a clearly exogenous cultural facies, and the Filigosa, a local cultural facies, remains to be defined at Sorgono. This represents a major issue across the island as these two cultures seem both to coexist and to be mutually exclusive in some areas of Sardinia (Soula, 2012c, forthcoming b). The keys for understanding this cultural bipartition of the island during the third millennium BC are to be found in particular at Sorgono The proposed analysis is organized into two main phases. In a first stage, the territory analysed is presented from a geographical and geological point of view. In a second stage, a synthesis of the distribution map of archaeological sites is proposed for the fourth and third millennia BC in order to conduct geostatistical analyses mainly based on standing stone monuments and their context. Within the territorial limits identified for the Sorgono system, we distinguish the presence of full occupancy subsystems, i.e. consisting of the three main aspects of a Sardinian prehistoric human community (dwellings, burials and standing stones). The presence of bipartite subsystems and other subsystems composed of only one of these aspects can be interpreted in two ways: either we lack a certain amount of knowledge for that territory, or they are more secondary subsystems or related to specific functions. This structural and functional analysis of the Sorgono system shows that the modes of land use are predominantly governed by constraints related to the topographical environment and to the different ecosystems. The areas preferentially colonized by the Ozieri groups at Sorgono are the more "hospitable"? ones, those more open into the landscape, with a large variety of natural resources. This could mean that the less "hospitable" areas, occupied in a looser way, are related to control of the territory or the practice of specific activities. It is also possible that these "secondary" subsystems are an extension of the nerve centre of the occupation at a time of strong regional pressure. The presence of rarer (and frequently unfinished) hypogeum tombs in these subsystems tends to confirm their later development in comparison with the centre of the Sorgono territorial system.