25-2014, tome 111, 4, 2014, p. 679-726 - F. BOSTYN, V. BEUGNIER, E. MARTIEL, F. MEDARD, C. MONCHABLON - Habitat et économie au Néolithique final L’exemple du site de Raillencourt-Sainte-Olle (Nord) entre activités domestiques et productions artisanales

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25-2014, tome 111, 4, 2014, p. 679-726 - F. BOSTYN, V. BEUGNIER, E. MARTIEL, F. MEDARD, C. MONCHABLON - Habitat et économie au Néolithique final L’exemple du site de Raillencourt-Sainte-Olle (Nord) entre activités domestiques et productions artisanales

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Le site de Raillencourt-Sainte-Olle au lieu-dit « le Grand Camp » (Nord), est localisé sur un plateau surplombant la vallée de l'Escaut d'environ 30 m, au nord-ouest de la ville de Cambrai. La fouille préventive menée en 1999 et 2000 sur une surface totale d'environ 1,6 ha, a livré un ensemble de 14 structures en creux de type fosses, mais aucun plan de bâtiment. Cinq des fosses rassemblent la quasi totalité du mobilier. Les caractéristiques des différentes catégories de mobilier, en particulier céramique, associées à trois dates radiocarbones permettent de situer l'occupation à la fin du Néolithique, au début de la seconde moitié du IIIe millénaire, donc plutôt dans une étape finale du Deûle-Escaut.

La composition originale et la richesse du mobilier ont motivé l'étude approfondie présentée ici. La présence de très nombreux pesons (128 pesons dont 72 sont entiers) constitue la première spécificité du site. En effet, si cet objet est connu sur de nombreux sites contemporains ou plus récents, c???est bien ici la quantité qui rend cet ensemble unique dans un large quart nord-ouest de la France. L'analyse technologique révèle le faible investissement technique lié à la fabrication des pesons, ce qui apparaît comme la norme pour ces objets, dont l'intérêt repose exclusivement sur leur fonction. La présence des pesons témoigne d'activités artisanales liées au tissage à proximité immédiate des fosses. Une unique fusaïole est liée, quant à elle, aux activités de filage inscrites en amont dans la chaîne opératoire textile.

L'autre caractéristique du site réside dans la composition de l'assemblage en grès, avec en particulier une forte proportion de percuteurs et d'enclumes mais aussi de blocs bruts et d'éclats, qui renvoient probablement aux activités d'extraction de la matière et de taille sur place des blocs. L'une des nouveautés de cet assemblage réside dans la mise en évidence d'un production organisée d'éclats destinés à être transformés en outils à plan de fracture émoussé dont la fonction reste indéfinie à ce jour. La faible part d'outils liés à la mouture et l'absence de polissoirs contribuent également à différencier cet assemblage de ceux de la vallée de la Deûle.

Au sein de l'industrie en silex, on soulignera la forte proportion de microdenticulés (plus de la moitié des outils), dont l'analyse fonctionnelle a montré une utilisation dans le cadre du travail de végétaux tendres rigides, ce qui est comparable à ce que l'on connaît pour cet horizon chronologique.

L'ensemble des caractéristiques des mobiliers archéologiques converge donc pour considérer le site de Raillencourt-Sainte-Olle comme un espace dédié à des activités artisanales comme le tissage, la production de supports en grès, le travail de végétaux. Deux hypothèses sont discutées ici : soit on se trouve au sein d'un habitat dont les traces de bâtiments ont disparu, soit cet espace spécialisé se rattache à un habitat proche, mais dont il serait séparé spatialement. Des comparaisons sont proposées avec les données existantes non seulement à l'échelle locale où existent des sites avec des bâtiments bien calés chronologiquement et, pour certains, contemporains, mais sur lesquels on ne retrouve que très peu de mobilier, mais aussi à l'échelle du nord de la France en particulier dans la vallée de la Deûle et de la Belgique où des situations équivalentes sont observées. Elles confirment l'originalité de l'assemblage de mobilier de Raillencourt-Sainte-Olle et l'hypothèse d'une dissociation spatiale des lieux d'habitat et des lieux consacrés aux activités artisanales est mise en avant. Dans cette perspective, le site de Raillencourt-Sainte-Olle témoignerait d'une évolution importante dans l'organisation spatiale des communautés à la fin du Néolithique impliquant une spécialisation plus grande des espaces au sein d'un territoire défini. 

 

The site of Raillencourt-Sainte-Olle, "Le Grand Camp" (Nord) is located on a plateau about 30 m above the Scheldt valley, northwest of the city of Cambrai. Rescue archaeology was undertaken in 1999 and 2000 on a total surface of 1.6 hectares: 14 pits were discovered but they revealed no building plan. Five of these pits yielded the majority of the artefacts. Characteristics of the different categories of artefacts, in particular ceramics, associated with three radiocarbon dates, indicate that the settlement dates from the end of the Neolithic period, at the beginning of the second half of the 3rd millennium, corresponding more or less to the final stages of the Deûle-Escaut culture. The original composition and abundance of the artefacts were incentives for undertaking the thorough study presented in this paper. The presence of numerous loom weights (128, of which 72 are complete) is the first characteristic of this site. This kind of artefact is well known on contemporary or more recent sites, but the number found here makes this set unique for north-western France. Technological analysis undertaken on these loom weights shows that their making did not involve a high degree of technical skill, which seems to be the norm for such items. Their interest lies exclusively in their use. These weights indicate that crafting activities centred on weaving took place in the vicinity of the pits in which they were found. A unique spindle whorl found here can be linked to spinning, the previous step in the textile creation process. The other characteristic of this site lies in the composition of the sandstone assemblage, with a high proportion of hammerstones and anvils and also of raw blocks and flakes, probably linked to the extraction of the material and on-site cutting of the blocks. One of the new aspects of this assemblage is the organised production of flakes meant to be transformed into tools with a blunted fracture platform, whose function is still undefined today. The low proportion of tools for grinding and the absence of polishers are another major difference compared with assemblages from the Deûle valley. In the flint industry, we can emphasize the important proportion of microdenticulates (more than half of the tools). Functional analysis showed a use on rigid tender plants, similar to what is known for this chronological horizon. The characteristics of the archaeological artefacts assemblage lead to an interpretation of the Raillencourt site as an area dedicated to artisanal or craft activities such as weaving, the production of sandstone artefacts, and plant processing. Two theories are discussed here: we are either in the middle of a settlement site where all traces of buildings have disappeared, or this is a dedicated area in connection with a settlement close by, but spatially distinct. Comparisons are proposed with existing data on a local scale where we can find sites with well-dated buildings that are contemporary but where few artefacts are found, and on a broader scale in northern France, in particular in the Deûle valley, and in Belgium, where similar situations occur. They confirm the originality of the artefact assemblage of Raillencourt-Sainte-Olle and the hypothesis of a spatial dissociation of living areas and artisanal areas seems to prevail. In this perspective, the site of Raillencourt-Sainte-Olle could point to an important transformation in the spatial organisation of groups from the end of the Neolithic period, implying greater specialization of areas within a defined territory