04-2015, tome 112, 1, 2015, p. 117-136 - J. GOMEZ DE SOTO - Les haches à douilles de type armoricain : une production strictement de l’âge du Fer. Critique des sources documentaires afférant à leur chronologie

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04-2015, tome 112, 1, 2015, p. 117-136 - J. GOMEZ DE SOTO - Les haches à douilles de type armoricain : une production strictement de l’âge du Fer. Critique des sources documentaires afférant à leur chronologie

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Dès le xviiie siècle, les haches à douille en bronze dites de type armoricain, particulièrement abondantes en Bretagne et en Normandie, ont fait l'objet de débats, tant quant à leur finalité qu'à leur datation. Ala fin du xixe siècle G. et A. de Mortillet affirmaient une datation à l'âge du Fer des modèles non fonctionnels de taille moyenne et miniature, les haches fonctionnelles du type de Brandivy restant attribuées au Bronze final. Mais c'est le point de vue de J. Déchelette qui l'emporta jusqu'à la fin du xxe siècle : ces haches étaient attribuée à l'horizon de l'épée en langue de carpe du Bronze final atlantique 3 (BF IIIb = LBA 3 britannique = Ha B2-3, env. 950 à 800 av. J.-C.), avec une perduration au cours du premier âge du Fer reconnue par J. Briard. Bien qu'il commençât à être remis en cause à la fin du xxe siècle, ce point de vue traditionnel persiste chez certains auteurs. Aussi, le présent article se propose-t-il de produire un dossier aussi complet que possible de la question.

Les éléments démontrant une production de ces haches au premier âge du Fer seulement sont indiscutables : sur le continent, aucune ne peut être datée antérieurement à la phase récente du premier âge du Fer (Ha D). L'actuelle « présence » de rares haches dans certains dépôts du BFa 3 s'explique par leur pollution par des objets d'autres provenances, conséquences des aléas de leur conservation dans les collections ou les musées (par ex. : Plounéour-Lanvern, l'Île Verte, Aurigny). Parfois, quelques rassemblements d'objets aux provenances mal ou pas documentées réunis artificiellement ont été présentés comme des dépôts, lesquels n'avaient jamais existés (par ex. : Césarin). Dans d'autres cas, il s'agit d'une mélecture des sources documentaires (par ex. : Louvigné-du-Désert). Fait acquis essentiel, aucun dépôt de l'horizon de l???épée en langue de carpe, même parmi les plus volumineux (par ex. : Vénat, Jardin des Plantes, Prairie de Mauve, Belle-Île), lorsqu???il est documenté de façon indiscutable, ne contient de hache à douille de type armoricain, aucune découverte récente non plus.

Des prototypes des haches à douille de type armoricain abondaient dans les dépôts du Bronze final atlantique 3, dont quelques haches ornées de nervures verticales d'origine britannique ou apparentées pouvant annoncer celles du type de Brandivy et plus généralement, avec leurs décors de baguettes verticales, les autres modèles de haches à douille de type armoricain. Surtout, les haches du type du Plainseau préfigureraient celles du type du Tréhou et des types proches de Dahouët et de Plurien. Au début du premier âge du Fer, des haches font effectivement figures d'intermédiaires entre celles du type du Plainseau et celles de la famille Tréhou-Dahouët-Plurien (dépôt du Fossé Creuzette à Verberie). Les haches de petite taille des types de Maure, Saint-James et Couville, en revanche, ne possèdent pas de prototypes dans les dépôts de la fin de l'âge du Bronze. Il pourrait s'agir d'une production récente, la fin d'un processus d'évolution conduisant aux formes les moins fonctionnelles, que le fait de ne pas connaître leur finalité exacte peut nous faire considérer, au même titre que celles en plomb presque pur, comme les plus aberrantes de toutes.

S'il est désormais acquis que la production des haches à douille de type armoricain n'avait pas encore commencé pendant le Bronze final, la question du début de leur fabrication reste incertaine : leur visibilité en Gaule se limite au Ha D. Que cette production ait pu débuter dès l'étape ancienne du premier âge du Fer (Ha C) ne demeure, en l'état actuel de l'information, qu'hypothèse, comme aussi d'ailleurs une fin de production ou du moins de dépôt au début du second. La multiplication des dépôts de ces haches est surtout une des manifestations du phénomène général de reprise en Gaule des enfouissements de dépôts de métal au cours du Ha D, au même titre que, par exemple, les dépôts launaciens du Midi ou ceux de parures du Centre-Ouest et de la Loire moyenne.

 

Armorican-type socketed axes, particularly numerous in Brittany and Normandy, have been the subject of debate on both their purpose and their date since the 18th century. At the end of the 19th century, G. and A. de Mortillet claimed an Iron Age attribution for some medium-sized and miniature non-functional versions, whereas the Brandivy-type functional axes were still dated to the Late Bronze Age. It was however J. Déchelette???s point of view, confirmed by J. Briard in his famous book Les dépôts bretons et l???âge du Bronze atlantique published in Rennes in 1965, which prevailed until the end of the 20th century: these axes were attributed to the carp???s tongue sword horizon from the Late Atlantic Bronze Age 3 (i.e. BF IIIb = British LBA 3 = HaB2-3, around 950-800 BC). Even though J. Briard favoured a production of these axes mostly during the end of the Bronze Age, he also demonstrated that this production continued during the First Iron Age. This traditional point of view of a mostly Late Bronze Age production began to be questioned at the end of the 20th century, even by J. Briard himself, but nevertheless it still persists among some authors. The purpose of this article is thus to produce as comprehensive a file as possible on this issue.

The elements testifying to a production of these axes exclusively during the Early Iron Age are indisputable: on mainland Europe, no axe can today be dated for certain prior to HaD. The rare axes currently appearing in some Late Bronze Age 3 hoards can be explained by the ???pollution??? of these hoards with objects from other origins, as a consequence of hazardous conservation conditions in collections or museums (for instance Plounéour-Lanvern and l???Île Verte, Finistère; Durtal, Maine-et-Loire; Longy-Common, Aurigny). Sometimes, objects from non- or poorly-documented origins have been artificially brought together and presented as hoards, although the latter never existed (for instance Césarin, Corrèze). In other cases, there may be a misinterpretation of the documentary sources (e.g. Louvigné-du-Désert, Ille-et-Vilaine). It is a crucial established fact that no hoard from the carp???s tongue sword horizon among those formerly discovered and indisputably documented, even the largest ones (for instance Vénat, Jardin des Plantes, Prairie de Mauve), has ever yielded an Armorican-type socketed axe. The same applies to all the hoards discovered during the second half of the 20th century and the beginning of the 21st (for instance Gouesnac???h, Finistère; Belle-Ile-en-Mer, Morbihan; Saint-Père-en-Retz, Loire-Atlantique; Challans, Vendée; Meschers, Charente-Maritime; Triou, Deux-Sèvres). Consequently, if these axes had already been produced in their thousands by this period, it seems absurd they should never appear in hoards, either complete or as fragments.

Prototypes of Armorican-type socketed axes were abundant in hoards from the Late Atlantic Bronze Age 3: a few short axes decorated with vertical ribs, of British origin or related to them, could herald the Brandivy-type axes, or more generally the other patterns of Armorican-type socketed axes decorated with vertical ribs. Above all, axes of the Plainseau type would seem to prefigure those of the Tréhou type and types close to the Dahouët and Plurien variants. At the beginning of the Early Iron Age, some axes do indeed appear as intermediate forms between the Plainseau type and the Tréhou/Dahouët/Plurien Armorican type (Fossé-Creuzette hoard in Verberie). On the contrary, the small axes from Maure, Saint-James and Couville, as well as those made of almost pure lead, have no prototypes in Late Bronze Age hoards. They could represent a recent production of Armorican-type socketed axes, in other words the end of an evolutionary process leading to the least functional forms, which, due to our ignorance of their real purpose, we might consider the most aberrant of all.

Undoubtedly, the production of Armorican-type socketed axes had not yet begun during the Late Bronze Age. Nevertheless, the question of their actual beginning remains uncertain: in Gaul, they all date from HaD. Whether their production could have begun as early as the Early Iron Age (HaC) remains a mere hypothesis given our current state of knowledge, despite a few associations with axes of the Sompting type in the British Isles, or in Brittany in the Hengoat hoard (Côtes-d???Armor): the production of Sompting-type axes goes beyond the HaC Lynn Fawr horizon.

The increasing number of hoards of Armorican-type socketed axes is above all one manifestation of a global phenomenon occurring in Gaul during the middle and late phases of the Early Iron Age (HaD): a revival of the burying of metal hoards, similar for instance to the hoards from the Launac horizon in the South of France, or the ornament hoards in the Centre-West and Middle Loire areas (translation E. Thauvin-Boulestin).